Jean-Claude Sauvagnargues au service de la surveillance
Entré à l’Institut scientifique et technique des pêches maritimes en 1970 comme inspecteur des contrôles, ce méridional loquace et pondéré a fait toute sa carrière dans la surveillance. A l’ISTPM, il a contrôlé la salubrité des coquillages ; à l’Ifremer, la qualité des milieux. Il évoque par le menu les relations avec les producteurs, la fusion avec le Cnexo et l’évolution de son métier.
Mieux vaut être prévenu avant de rencontrer Jean-Claude Sauvagnarges : il est bavard ! Il revendique d’ailleurs un goût inné pour la discussion. Ce trait de caractère l’a certainement servi dans son travail, car la communication y a occupé une place importante. « Je croyais être embauché pour faire de la biochimie, finalement j’ai fait du juridique et du dialogue », s’amuse-t-il.
Premiers contrôles
Pour ses études, Jean-Claude Sauvagnargues est descendu de son Alès natal à Montpellier. Ce furent des années légères, où il n’a pas bûché autant qu’il aurait dû pour prétendre à la voie royale, celle des mathématiques. « La biochimie, c’était pour les moins bons… Mais j’ai eu la chance d’avoir un professeur qui tenait à placer ses étudiants, et qui m’a mis en contact avec le directeur de l’Institut scientifique et technique des pêches maritimes de Sète, Yves Fauvel. » Le voici inspecteur adjoint des contrôles du Languedoc-Roussillon. L’institut avait alors, en tant qu’Etablissement public de l’Etat (EPA), la mission de surveiller la salubrité des coquillages et des produits de la mer transformés. « La surveillance était bien plus étendue qu’elle ne l’est aujourd’hui : nous contrôlions non seulement la qualité des milieux de production, mais aussi les expéditions de coquillages, voire les étals », explique Jean-Claude Sauvagnargues. Il revenait également à l’ISTPM de prendre si nécessaire la décision de suspendre les expéditions, ce qui relève aujourd’hui des pouvoirs du préfet. « C’était une sacrée responsabilité ! Monsieur Fauvel, que je venais seconder, avait déjà eu d’ailleurs de graves démêlés avec la population de pêcheurs et de conchyliculteurs », confie-t-il.
Plus au nord
Au bout de cinq ans, le jeune inspecteur est invité à se rendre à La Rochelle, où l’ISTPM avait un centre de taille à peu près équivalente à celui de Sète. Le méridional et sa famille ont traîné des pieds, mais n’ont pas pu éviter la mutation. « L’adaptation s’est finalement bien passée. J’y suis d’ailleurs resté treize ans ! » Jusqu’en 1982, il est en poste en tant qu’inspecteur des contrôles. Seuls les professionnels (pêcheurs, conchyliculteurs ou mareyeurs) inscrits au casier sanitaire, tenu par l’ISTPM, étaient autorisés à mettre leurs coquillages sur le marché. « A cette époque, nous tentions de mieux formaliser les critères, d’exiger des professionnels certains types de structures. Mais tout en douceur ! Car nous n’avions pas de réel pouvoir de sanction. Tout ce que nous pouvions faire, c’était radier un producteur, qui courait alors le risque de se faire attraper par les services vétérinaires, en cours de création, et les services des fraudes. » Les produits des professionnels inscrits au casier étaient identifiés par des étiquettes, dont la délivrance était payante. C’était une façon pour l’institut de se faire rémunérer la surveillance qu’il exerçait. Les inspecteurs étaient de ce fait également régisseurs de recettes. « J’ai même été à un moment donné celui qui gérait les plus gros volumes d’argent, vu le chiffre d’affaires des conchyliculteurs de Charente-Maritime au mois de décembre ! »
De la souplesse
Les normes de qualité étaient moins figées qu’aujourd’hui et leur application n’était pas rigide, explique Jean-Claude Sauvagnargues. « Nous savions doser et ajuster un peu les choses dans le sens des professionnels. C’était une chance finalement pour eux d’être contrôlés par un établissement scientifique, qui était là autant pour surveiller que pour conseiller. » Il faut se figurer le méridional à l’accent chantant allant « enquiquiner gentiment les braves ostréiculteurs de Charente-Maritime », les invitant à mettre leur établissement aux normes… Avec à l’occasion de jolies satisfactions, quand un producteur le remerciait de l’avoir amené à modifier son installation, constatant qu’il en ressortait gagnant et aurait dû le faire plus tôt. A Sète aussi, où il est revenu en 1992 en tant que directeur de laboratoire, il a conservé cette attitude d’ouverture. Le saccage de la station opéré par des conchyliculteurs en 1989 était encore dans tous les esprits, et Jean-Claude Sauvagnargues s’est employé à renouer des liens. Sa porte était toujours ouverte aux professionnels. En situation de crise, il privilégiait le dialogue et tentait de faire passer l’idée que la manière forte n’était de l’intérêt de personne.
Changement de statut
Mais pour l’heure, de 1982 à 1989, Jean-Claude Sauvagnargues est toujours à La Rochelle, où il est nommé chef de station. Administrateur de centre, telle était la nouvelle appellation officielle. « Ce terme convenait mieux que celui de directeur, parce que nous n’avions pas vocation à conduire la recherche mais à prendre en charge la partie administrative et les relations avec l’extérieur », explique Jean-Claude Sauvagnargues. Ces années sont marquées par d’importantes restructurations. La fusion avec le Centre national pour l’exploitation des océans (Cnexo) au sein de l’Ifremer se dessinait, avec en toile de fond la délicate question du changement de statut. Les fonctionnaires de l’ISTPM avaient la possibilité de garder leur statut ou de passer sur le régime de droit privé, qui régit le personnel d’un Etablissement public à caractère industriel et commercial (Epic) tel que l’Ifremer. Avec au passage, une réévaluation de leur salaire. Beaucoup d’agents de l’ISTPM, à l’instar de Jean-Claude Sauvagnargues, ont fait ce choix, certains attendant d’avoir d’abord totalisé les quinze années de fonctionnariat nécessaires pour avoir droit à une retraite au titre de la fonction publique. « Au début, j’ai milité pour conserver notre statut de fonctionnaire. C’est la proposition de réévaluation salariale qui m’a fait basculer. Mais je constate que nous avons beaucoup perdu en liberté d’action par rapport à la période ISTPM. Quand on relève du droit privé, il est très difficile de s’opposer à sa hiérarchie, alors qu’un fonctionnaire a un véritable devoir de désobéissance.
La surveillance se réoriente
La fusion avec le Cnexo en 1984 a entraîné une nouvelle répartition des responsabilités dans le domaine de la surveillance. Dans un premier temps, le contrôle des conserves de produits de la mer et des établissements conchylicoles est passé aux services vétérinaires de l’Etat. L’Ifremer continuait en revanche de tenir la liste du casier sanitaire. Au cours de son passage à Nantes, de 1989 à 1992, Jean-Claude Sauvagnargues en avait d’ailleurs la charge. « Mon travail consistait entre autres à participer à la mise au point des textes qui régissent les aspects de surveillance conchylicole, en lien avec les services vétérinaires. Moi qui n’aurais jamais voulu faire du droit, je suis rentré dans le réglementaire par une autre approche, et c’était passionnant ! » C’est à peu près au moment où il a obtenu une mutation à Sète que la tenue du casier sanitaire est incombée aux services vétérinaires, l’Ifremer ne gardant que la responsabilité de la surveillance du milieu.
Retour au sud
Jean-Claude Sauvagnargues est ravi, en 1992, de retrouver le Languedoc. Il est nommé directeur du laboratoire côtier, qui avait remplacé l’inspection, et s’occupait des réseaux de surveillance de la qualité des eaux littorales. Prélèvements, analyses, dialogue avec les professionnels, avec l’administration, tel est le quotidien du directeur. La station comptait également une équipe de recherche en écologie lagunaire. Les deux entités ont fini par se rassembler en un seul laboratoire, « qui est devenu le plus important laboratoire côtier de l’institut en termes d’effectif », souligne Jean-Claude Sauvagnargues. Devenu chef de station en 2001, il a laissé la direction de ce laboratoire à Lionel Loubersac, qui a ainsi pris la tête du Réseau de suivi lagunaire. De son côté, dans la logique du travail d’administrateur qu’il avait déjà mené à La Rochelle, il s’est appliqué à créer des conditions favorables à la recherche. « J’ai toujours essayé de trouver le dénominateur commun pour regrouper les individus. La communication, je dois être fait pour ça !