Nicole Garrez, un petit rouage dans une grande machine

Affable, souriante, mesurée, Nicole Garrez est assistante de direction, entrée au Centre national pour l’exploitation des océans un an après sa création. De dactylographe à assistante de direction, elle a gravi les échelons, mais elle a toujours exercé son métier au siège, dans l’entourage des dirigeants de l’institut. Elle même se définit comme un petit rouage, mais un rouage qui a vu de près la machine se créer, se mettre en place et rouler vers de grandes aventures.

Nicole Garrez est entrée au Centre national pour l’exploitation des océans (Cnexo) le 1er avril 1968, jour du premier anniversaire de la création de l’organisme. Sa carte d’accès porte le numéro 34… Son arrivée est le fait du hasard : son grand-père connaissait le père de la secrétaire de direction du directeur général. C’était finalement le cas de beaucoup, à cette époque, car le centre n'était pas encore très connu.

Esprit de corps

Après des études de comptabilité, Nicole Garrez prend conscience qu’elle n’a pas pris la bonne voie et préfère chercher plutôt un emploi dans le secrétariat. C’est donc comme dactylographe auprès de la direction générale qu’elle va faire ses premières armes. Elle s’occupe du courrier, sous la responsabilité du secrétaire général, tape les conférences du directeur. Le Cnexo a à peine un an et compte une trentaine de personnes. La toute jeune fille qu’elle est apprécie l'atmosphère familiale qui y règne. La direction, organisée autour de Yves La Prairie, directeur général et de Jacques Perrot, directeur général adjoint, est en grande partie issue de la Marine et du Commissariat à l’énergie atomique. « C’était des gens de mer, on sentait un esprit de corps », dit-elle, résumant l’ambiance de l’époque. L’organisation va être calquée sur le modèle de ces deux organismes. Les chercheurs vont venir après.

Vu de la direction…

De 1968 à 2008, Nicole Garrez suit toutes les évolutions de l’institution, du Cnexo à l’Ifremer, à travers ses différentes directions. La personnalité des débuts est sans conteste Yves La Prairie, créateur du Cnexo, qui porte avec enthousiasme le nouvel organisme à bout de bras. Il forme un véritable duo avec Jacques Perrot : « Il y avait le penseur et le gestionnaire. » En tant que membre fondateur, Yves La Prairie s’est donné comme orientation de faire connaître au monde le Cnexo. Parmi les dirigeants qui l’ont marquée, elle cite encore Yves Sillard, homme d’action et de technologie, à qui a été confiée la mission de créer l’Ifremer, ainsi que Pierre Papon, davantage axé sur la recherche. Mais ceux avec lesquels elle a passé le plus de temps et vécu les grands moments sont les différents directeurs des moyens navals de l’Ifremer, notamment Dominique Girard et Jacques Binot, même si elle a également travaillé pour la direction de la Technologie

De grandes étapes

Elle évoque les moments forts de l’institut, qu’elle a partagés avec les différentes directions où elle s’est trouvée. En 1968-1969, la nouveauté, c’est le programme national « Océan », base de la démarche du Cnexo, acte fondateur de ses recherches. Elle suit également la construction du Centre océanologique de Bretagne, dont la première pierre est posée en novembre 1968. Elle suit encore les découvertes de nodules polymétalliques et des grands fonds marins. Ses fonctions l’amènent ensuite à s’éloigner de la direction générale et à travailler dans les directions en charge de la technologie et des moyens navals. Elle va donc vivre en direct d’autres grands développements. C’est d’abord la construction de ce qui s’appelait le SM 97 (sous-marin 97, celui qui pouvait explorer 97 % du fond des océans), baptisé le Nautile et lancé en 1984. Cela a pris quelques années, dont la fabrication de la sphère en titane chez Creusot-Loire. Les autres grands chantiers qu’elle vit en direct sont la construction des navires océanographiques Europe et Thalassa.  

Un métier qui change

Dactylographe en 1968, elle est assistante de direction en 2008. Quarante années de carrière, quarante années d’évolution. Avec une petite parenthèse, car elle est partie pendant dix-huit mois pour élever sa fille. Les congés parentaux n’existant pas encore, elle a dû démissionner… Par chance, un poste s’ouvrait quand elle a voulu reprendre une activité professionnelle, lui permettant de revenir. « A l’époque, il fallait commencer à faire ses preuves avant d’avoir une évolution de carrière. » Elle est donc restée sténo-dactylographe de nombreuses années avant de changer de statut : secrétaire, secrétaire de direction puis assistante de direction. Si elle a suivi de près l’évolution de l’Ifremer, elle a aussi vécu toutes les évolutions technologiques de son métier. En 1968, le rapport « Océan » avait été réalisé sur des stencyls, le courrier se faisait avec des doubles, sur des pelures intercalées de carbone. La première évolution majeure fut l’installation du fax, dont le premier modèle apparu à l’institut a trouvé place dans son bureau. Mais c’est l’arrivée de l’informatique et de la messagerie électronique qui a constitué le grand bond en avant.. Les cadres se sont mis à utiliser les micro-ordinateurs. Pour Nicole Garrez, le métier d’assistante a alors pris toute sa valeur : elle intervient au stade final de la création des documents, celui de la mise en forme, à laquelle elle participe activement et où elle peut aider à faire avancer les choses.

Communication

Mais plus que ce travail proche de l’édition, elle considère que c’est le fait de maintenir les liens entre les personnes, en direct ou par téléphone, qui constitue la définition du métier d’assistante. Les messages électroniques ne suffisent en effet pas toujours : « J’ai l’impression d’être le passeur, entre les personnes de l’extérieur qui appellent, mais surtout entre les personnes de notre direction, voire de tout l’Ifremer, pour faire passer des messages à mon directeur quand il n’est pas là. » Elle estime qu’une partie de son travail réside dans ces relations humaines, l’autre partie étant de former une bonne équipe avec son responsable, pour lui épargner toutes ces petites tâches à la fois indispensables et secondaires, mais qui lui prennent du temps.

Un institut qui grandit

Elle a vu grandir l’institut. Au début, quand elle parlait du Cnexo, les gens lui demandaient si elle travaillait avec Cousteau… Aujourd’hui l’Ifremer est plus connu. « Je ne pense pas que les pères fondateurs seraient déçus, car les choses ont évolué dans le bon sens ». L’évolution, elle l’a sentie s’amplifier. « Impliquée dans une équipe et dans des projets, je me suis aperçue un jour que je n’étais plus au courant de tout, que je ne connaissais plus tout le monde et que l’Ifremer est devenu un grand navire… Peu importe qui fait quoi, l’important c’est que le navire avance et que cela ne devienne pas une galère ! » Nicole Garrez se dit aujourd’hui que grâce aux médias et à toutes les actions menées, beaucoup de gens connaissent l’Ifremer, même ceux qui ne sont pas concernés par le monde maritime. Et de cela, elle tire une certaine fierté.

Ce qu’elle en retient

Quand elle est arrivée, Nicole Garrez pensait rester six mois… qui se sont changés en quarante ans. Ce n’est pas l’attrait de la mer qui l’a amenée à l’Ifremer. Si elle y est restée, c’est parce qu’elle a aimé son métier et acquis un sentiment d’appartenance à l’entreprise, comme « un petit rouage pour faire avancer une grand machine », où elle a travaillé dans de bonnes conditions de travail et avec des personnes qui lui ont fait confiance.

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