Daniel Latrouite, halieute et citoyen
Par un soleil radieux, face à la mer et au fourgon qu’il a aménagé en vue de ses pérégrinations de jeune retraité, Daniel Latrouite évoque le goût qu’il a eu pour son métier, à la fois physiquement exigeant et intellectuellement stimulant. Il confie aussi sans détour sa désillusion quant à la capacité des scientifiques à endiguer la dégradation des ressources naturelles, à l’image de l’épuisement des stocks de poissons.
Le domaine de Daniel Latrouite est l’halieutique. L’art de la pêche, l’évaluation des stocks et le contrôle de l’activité des pêcheurs, qui relevaient traditionnellement de la compétence de l’Institut scientifique et technique des pêches maritimes (ISPTM). En 1974, il entre donc à l’ISTPM, où il est rapidement amené à travailler sur la culture des pectinidés. Il apprécie le travail de terrain, au contact des professionnels, mais doute, déjà, de la suffisance des données recueillies pour contribuer à une bonne gestion des stocks.
En 1981, il quitte La Trinité-sur-Mer pour Roscoff et délaisse les palourdes pour les crustacés. Sous l’impulsion de Jean-Paul Troadec, il imprime à la toute petite équipe d’halieutes une approche plus « écosystémique », comme on ne disait pas encore à l’époque. Lors de la fusion entre l’ISTPM et le Centre national pour l’exploitation des océans (Cnexo), il accepte de prendre la tête du laboratoire halieutique de Brest. Tout en gardant sa spécialisation dans les crustacés, il voit son domaine d’intervention s’élargir à l’ensemble des ressources de la Manche. Il travaille au plus près des professionnels, embarquant régulièrement avec eux.
A ce moment, il devient clair pour les scientifiques que la course en avant technologique mène au désastre écologique. C’est là le regret de Daniel Latrouite : ne pas avoir pu renverser la tendance, alors même que le constat était fait et les causes, établies. S’il a apprécié son métier, riche humainement et intellectuellement, il en garde aussi un sentiment de désillusion.